La tour

Contexte historique : Châteaux et fortifications

Le mot château vient du latin castellum qui désigne une forteresse, lui-même diminutif de castrum qui veut dire camp. À l’origine, un château avait donc une fonction militaire. Il était construit pour défendre et protéger un territoire et sa population.

Mais leur architecture et leurs fonctions ont évolué au fil du temps.

D’abord construits en bois sur un promontoire (motte castrale), entourés d’une palissade et d’un fossé et intégrant un donjon, les châteaux forts sont bâtis en pierre à partir du XIIe siècle. Les tours et les murs d’enceinte sont renforcées. Les machicoulis et les échauguettes apparaissent un siècle plus tard.

Les châteaux forts étaient avant tout des places fortes destinées à la protection des seigneurs et de leurs possessions. Ils servaient également de centres de commandement et d’entrepôts pour les armes et les vivres. Ils devaient résister aux attaques des assaillants avec des murs épais, des tours crénelées et des fossés remplis d’eau.

À la Renaissance, les préoccupations militaires laissent peu à peu la place à l’envie de confort de ses habitants. Les châteaux forts se transforment en belles demeures qui témoignent du statut social plus ou moins élevé de leur propriétaire et qui peuvent ainsi afficher leur richesse et leur puissance. Commodités et éléments architecturaux décoratifs font leur apparition.

Au fil des siècles, les châteaux forts deviennent des lieux de vie et de culture. Ils abritent les familles des seigneurs, ainsi que leur cour et leurs serviteurs. Dans certains châteaux, on pouvait trouver une chapelle, une bibliothèque, des ateliers d’artistes… La vie quotidienne dans un château fort était rythmée par les banquets, les tournois, les spectacles et les cérémonies religieuses.

Mais revenons au Moyen-Âge. Le château fort a alors plusieurs fonctions, défensive, administrative et parfois résidentielle. Dorénavant bâti en pierre, il est donc équipé d’un système défensif plus ou moins élaboré, fait de barbacanes, de tours ou de donjons, de murs d’enceinte, de douves, de pont-levis, de parapets crénelés pour protéger le chemin de ronde, …

Jusqu’au XIIIe siècle, l’élément principal pour sa défense est le donjon. Il sera ensuite supplanté par une ou deux enceintes faites de remparts munis de tours. Comme pour les donjons, les premières tours sont quadrangulaires. À la fin du Moyen-Âge, avec l’apparition de l’artillerie à poudre, les tours deviennent rondes ou ovales, ceci afin de présenter moins d’angles morts qui peuvent rendre les assaillants moins atteignables, et plus de résistance aux tirs de projectiles.

Comme nous l’avons déjà dit, à la Renaissance la fonction défensive des châteaux perd de son intérêt. Les fortifications sont réduites et juste nécessaires pour arrêter des bandes de brigands. Pour les châteaux les plus modestes on peut parler de maisons fortes ou maisons fortifiées.

Le site « Châteaux de France » recense dans le Tarn, 250 châteaux, châteaux forts et manoirs. Près de Senaux, se dressent le château d’Escroux (Lacapelle-Escroux) dont le premier seigneur est mentionné dans la première moitié du XIIIe siècle, le château de Berlats édifié par le seigneur d’Escroux au XIIIe siècle, le château de Lavalette (Viane) vraisemblablement construit avant le XVIIIe et remanié au XIXe, le château de Massuguiès (Le Masnau-Massuguiès), rare forteresse de montagne parfaitement conservée, dont l’historique est connu depuis le XIIe siècle et le château de Calmels à Lacaune bâti au XIXe sur les vestiges d’un château médiéval.

À Senaux

La seigneurie de Senaux est attestée depuis le milieu du XVe siècle. Il est donc vraisemblable que le seigneur y possédait un château dès cette époque-là et peut-être avant. Cependant, les premiers documents connus le concernant datent de 1711. Il s’agit tout d’abord d’un extrait d’un « Registre des procédures de vérification des biens et droits nobles » fait par l’administration diocésaine de Castres (Archives départementales, cote : C 1102)

On y apprend seulement, que le sol du château dont jouit le seigneur de Senaux a une superficie de 77 cannes (en fait cannes carrées, qui équivalent à environ 300 m2). Les dépendances qui ne sont pas citées, sont-elles comprises dans cette superficie ?

Le second document datant de la même année, est un inventaire fait après son décès, des biens ayant appartenu à Jean de GOUDON. Inventaire demandé par Jean de GOUDON lui-même dans son testament du 4 août 1711, jour de son décès. (Archives départementales, cote : 3 E 45/51)

Mais cet inventaire ne nous donne aucune description du château lui-même. Il s’agit seulement d’une énumération de ce que l’on trouve à l’intérieur (voir le texte complet mis en annexe).

La matrice cadastrale napoléonienne établie pour Senaux en 1827, nous apprend que le château (section A, n° 532), qui appartient à la famille de GOUDON de SENAUX, a une superficie de 194 m2.

Le 18 avril 1883, tous les biens appartenant à la famille de GOUDON de SENAUX sont vendus aux enchères au tribunal civil de Castres, par suite d’une saisie immobilière. Dans la désignation des biens à vendre parue dans Le courrier du Tarn des 4 février et 1er avril 1883, on peut lire une description de l’aspect extérieur du château. À noter que dans cet article, le mot château n’est pas utilisé, il est question seulement d’une « grande maison » :

Après 1883, les derniers membres de la famille de GOUDON de SENAUX quittent le village et s’éteignent sans descendance.

De plus, le château va brûler dans la nuit du 28 février au 1er mars 1899. Le propriétaire d’alors fait ériger une nouvelle construction sur une partie des bases de l’ancienne.

On apprend à la lecture du livre de souvenirs de Véran CAMBON de LAVALETTE « De la Petite-Bastide à la résistance et au camp de Dachau », qu’une « cheminée monumentale » du château de Senaux a été démontée et reconstruite dans le domaine de la Petite-Bastide, commune de L’Isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse qui appartenait à sa famille. Les CAMBON de LAVALETTE, propriétaires du château de Lavalette commune de Viane, étaient en effet alliés aux de GOUDON de SENAUX.

Pour terminer ce que l’on peut dire du château, il faut rappeler le séjour du prince de Condé (Henri II de Bourbon) en ce lieu au mois de mai 1628. C’est à lui que Richelieu avait confié la nouvelle armée envoyée pour lutter contre la révolte des protestants en Languedoc de 1627 à 1629. Les huguenots avaient pour chef de guerre le duc de Rohan.

Le prince de Condé, après avoir pris Roquecézière le 7 mai 1628 et voulant attaquer Viane tenue par Jean de Bayne seigneur d’Escroux et de Berlats et 400 soldats fournis par de Rohan, séjourna à Senaux d’où il écrivit le 8 mai, une lettre aux consuls de Lacaune (source : Viane, souvenirs d’une ville ruinée de Philippe Corbière, publié en 1882 et réédité par le C.R.P. de Rieumontagné) :

Condé va échouer dans son entreprise et abandonner après dix jours de combats. Il assiégea en même temps Saint Sever du Moustier vaillamment défendue par Jean de Goudon seigneur de Linas et de St Sever, qui était marié à Jeanne de Bayne d’Escroux !

En plus du manque d’archives le concernant, tout ce qui vient d’être exposé explique que nous n’ayons pas d’idées précises sur la construction du château de Senaux ni de son évolution au cours du temps.

Ce qu’il reste aujourd’hui de possibles fortifications est visible en-dessous de l’esplanade (n° 537). Un mur de pierre longe la rue des Montignals qui descend vers le village voisin de Lacapelle-Escroux. Adossé à ce mur et en saillie, une construction hémicylindrique, arasée à hauteur du mur, semble être la base d’une tourelle de flanquement construite contre un mur d’enceinte. Son diamètre extérieur est de 4 m environ.

Il est à remarquer que le plan cadastral napoléonien montre que dans la cour du château, dans un angle de la façade nord de celui-ci, il y avait également une tour qui abritait un escalier pour accéder aux étages.

La seigneurie de Senaux

Voici la liste des propriétaires connus de la seigneurie de Senaux.

 

Nom
Naissance – Décès

Époux.se

 

de Balade Guillaume
XVe siècle

 

Fils du précédent
Héritier

de Balade Jean

de Frotard Louise
mariés vers 1495

Fils du précédent
Héritier

de Balade Florent

de Rodez de Montalègre Antoinette
mariés vers 1520

Fille aînée du précédent
Héritière

de Balade Catherine
vers 1525 – ?

de Bérail François
mariés vers 1544

Fils de la précédente
Héritier

de Bérail Antoine
1545 – vers 1628

de Gozon Marthe
mariés vers 1580

Fils du précédent
Héritier

de Bérail Louis

de Seguy Antoinette
mariés en 1615

Vente par Antoine et Louis de Bérail à d’Astugue,
puis celui-ci lègue Senaux à sa seconde épouse Isabeau

d’Astugue Alexandre

de Goudon Isabeau (épouse en secondes noces – sans enfant), dame de Senaux
décédée en 1644

Neveu d’Isabeau de Goudon
Héritier

de Goudon Jean
~ 1590 – 1671

de Beyne Jeanne
mariés en 1626

Fils du précédent
Héritier

de Goudon Jean Jacques
~ 1629 – 1668

de Mailhan de Lustrac Françoise
mariés en 1663

Fils du précédent
Héritier

de Goudon Jean
1666 – 1711

de Puech de Longuevergne Esther
mariés en 1698

Fils du précédent
Héritier

de Goudon Jean Jacques
1700 – 1746

de Galtier de Lambas Antoinette
mariés en 1721

Fils unique du précédent
Héritier

de Goudon Jean François
1722 – 1807

Durand de Bonne Françoise
mariés en 1740

Fils du précédent
Héritier

de Goudon Jean Louis Jacques Antoine
1742 – 1803

de Gautard de la Ténarié Marque
mariés en 1765

Fils du précédent
Héritier

de Goudon Jean Marie
1771 – 1833

Julien Marie
mariés en 1799

Frère du précédent
Militaire, dit « Le chevalier »
Se retire à Senaux

de Goudon Jean Louis André
1774 – 1845

Pomier Cauderoque Marie Louise
mariés en 1809

Fils de Jean Marie de Goudon
Héritier

de Goudon Louis Charles
1806 – 1878

Cambon de Lavalette Coralie
mariés en 1832

Fils du précédent
Héritier
Propriétaire jusqu’en 1883

de Goudon Jean Charles Philippe
1832 – 1888

Ardigo Émilie Caroline
mariés en 1861